Les mains dans l'argile : toi, nous et la leucémie # 14

Un jour, nous partageons la chambre avec Lou. Lou est un tout petit peu plus jeune que toi . Elle a deux ans et une tumeur aux cervicales si grosse qu’aucun chirurgien n’ose y toucher. On évoque un spécialiste à Zurich, mais les frais de l’opération ne sont pas pris en charge. On trouve, enfin, un chirurgien qui veut bien essayer mais qui explique au préalable à ses parents que Lou ne se réveillera sans doute pas d’une telle opération et que si elle se réveille, elle ne marchera plus.
Alors que faire, demande sa maman ? Doit-elle abandonner sa fille à la maladie ou se battre et essayer, quelque en soit le coût ?

Cette question me hante encore aujourd’hui. Et si, des fois, les parents étaient égoïstes et ne pensaient qu’à eux en poursuivant les traitements ? A quel âge un enfant devrait-il pouvoir dire « stop. Laissez-moi partir » ? Je me souviens de Louis, 11 ans , dont les traitements nécrosèrent les os et qui se retrouva en rémission certes, mais dans une chaise roulante, sans espoir de se relever. Sa colère résonne encore dans mes oreilles.

Les soirs où nous avons vécu ensemble, on s’asseyait tous par terre, on croquait des bretzels hyper salés et on collait des gommettes. Sa mère et moi rigolions et vous vous serriez l’un contre l’autre, deux petits oisillons, deux cranes recouverts de duvets, deux bras piqués et repiqués, deux paires d’yeux soulignés par de grandes cernes mauves.
Et puis, elle a déclaré un zona et en quelques minutes, on vous a séparé. Elle a été confinée dans sa chambre et toi, affecté dans une autre et placé sous traitement préventif.
Lou a été opérée. La tumeur était trop grosse pour être ôtée en totalité . 

Mais elle riait et je l’ai vu danser et virevolter, une année après. Elle avait des cheveux blonds qui tombaient en cascade sur ses épaules et des yeux pétillants.

Commentaires

  1. Je suis submergée par l'émotion quand je lis ces billets. Je vous souhaite beaucoup d'apaisement et de bonheur tous les 4.

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  2. Beaucoup de rires, d'espoir, d'amitié, de soutien mutuel, il y a beaucoup d'amour qui illumine ce post et beaucoup de force aussi...
    je vous embrasse très,très fort

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    1. C'est difficile à croire mais le service était - aussi- un lieu de franches rigolades car la joie ici et maintenant était la seule chose qui nous restait.

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    2. Non ce n'est pas difficile à croire c'est, je crois, ce que l'on appelle l'énergie du désespoir.
      Avez vous des nouvelles de Lou?

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    3. Non, avec notre déménagement -et l'envie de passer autre chose sans doute aussi, nous nous sommes tous perdus de vue.

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  3. suis très émue.
    merci de pouvoir en parler
    cox

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  4. Que c'est fort ce que tu écris...

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  5. Je suis revenue lire tes billets sur cette période si dure de votre vie. Le mot "dur" même me paraît en deça de ce que tu décris. Et une fois encore, j'en ai les larmes aux yeux. Et une fois encore, j'ai envie de vous serrer tous dans mes bras, grands-parents compris.
    Maintenant, je vous souhaite du bonheur, compact, à haute dose, pétillant, à la mesure de ce que vous avez vécu. Ce ne serait que justice.

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  6. Tres émue comme a chaque fois que je lis ces billets. Les mots me manquent pour te dire ce que je ressens. Je te remercie pour ce partage.

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  7. toujours aussi émue à vos côtés !
    merci de partager avec des mots si justes et touchants ...

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