Les mains dans l'argile - toi, nous et la leucémie #2
La mémoire est curieuse : je me souviens que j’avais
fait des gnocchis pour t’inciter à t’alimenter un peu, je me souviens que nous
étions en tenue de sport, ton père parce qu’il avait joué au tennis le matin,
moi parce que j’étais allée courir, je me souviens du rayon de lumière sur le
mur derrière toi.
Tu es parti te coucher en serrant fort ton doudou.
Le portable a sonné. J’ai répondu. La biologiste, celle que
nous appellerions bientôt Valérie, et que nous avions quitté une heure et demie
avant, parlait.
- - Vous devez
aller maintenant à l’hôpital. J’ai faxé les résultats et parlé avec le
responsable des urgences. Ils attendent Stanislas.
- - Stanislas vient de s’endormir et nous n’avons
pas fini de ranger.
- - Vous devez y aller. Tout de suite.
J’ai raccroché, interloquée, et j’ai répété la conversation
à ton père.
Et puis la panique m’a envahie. J’ai fourré une couverture,
quelques galettes de maïs et des jouets dans un sac. Nous t’avons soulevé,
endormi, et nous sommes partis.
Les urgences pédiatriques, un samedi après-midi. Il y a
peut-être cent personnes, parents, enfants, qui attendent.
Tu ouvres un œil, constates que tu es dans un hôpital et tu
dis « ça y est ? On va chercher mon petit frère ? »
Nous donnons ton nom à l’accueil.
On vient nous chercher. On te met un masque sur le visage.
On nous installe dans une chambre.
Avant qu’on referme la porte sur nous, j’entends une maman
chuchoter « c’est pas juste, ils sont arrivés après nous ».
Une heure, étrange, passe. Nous sommes seuls, dans une
chambre. Il n’y a aucun bruit. Nous n’avons vu aucun médecin.
Tu as de petits points rouges qui apparaissent autour des
yeux.
Et puis, le responsable des urgences arrive. Il se place de
l’autre côté du lit.
- - Votre fils est très malade. Nous ne saurons pas
le soigner. Un spécialiste arrive. En taxi. Nous allons piquer votre enfant
pour le cas où.
Et il s’en va.
A ce moment-là, tout est encore possible dans nos esprits,
une erreur, une maladie bénigne…
Arriver aux urgences en étant attendu et en passant devant tout le monde, j'ai connu aussi - ceux qui râlent ne se rendent pas compte d'à quel point ils sont privilégiés...
RépondreSupprimerC'est poignant de te lire, ce partage est beau parce qu'il dit la vie comme elle est, comme tu dis si bien, qu'on veut oublier, qui n'arrive "qu'aux autres". Je trouve que vous avez fait naître, à travers cette terrible épreuve, quelque chose de très beau. Un grand bravo pour ça...
Merci.
SupprimerNous avons essayé d'être dignes et forts, d'être à la hauteur. Parce que Stanislas, lui, a été héroïque.
A la lecture du titre, et tout le long de la lecture mon coeur battait de plus en plus fort... c'est poignant et tellement bien écrit... je ne cesse de penser à mon tout petit et ce qui, un jour pourrait lui arriver...
RépondreSupprimerMerci d'écrire, pour nous mettre face à la réalité, "non" cela n'arrive pas qu'aux autres.
Est-ce que tu as vu le film de Valérie Donzelli "la guerre est déclarée" ? Je n'ai pas la force de regarder ce film maintenant que j'ai un enfant mais de ce que j'en sais, il paraît qu'il est magnifique.
@bientôt
Non, je n'ai pas vu le film. Je pense qu'il me bouleverserait trop tôt. Plus tard, sans doute.
SupprimerBonjour..j'ai lu..le souffle court… juste..MERCI pour ce partage…
RépondreSupprimertoujours aussi agréable et poignant de te lire !
RépondreSupprimercourage ! :)
Merci, encore une fois, pour ce partage.
RépondreSupprimerMes pensées vous accompagnent dans ce retour sur ces moments de vie par l'écriture.
Je vous souhaite une belle soirée.
Elisabeth
Tu écris tellement bien, l’émotion passe au travers de tes mots. Je n'avais pas su quoi écrire en commentaire a ton premier article. Merci de nous faire partager cette expérience douloureuse, je me sens profondement touchée. Je suis certaine que Stanislas aura besoin de les lire ces mots un jour et il a beaucoup de chance d'avoir une maman comme toi.
RépondreSupprimerMerci Myriam pour le petit mot
Supprimerton texte est évidemment poignant..... mais il est aussi très beau.
RépondreSupprimernous allons fêté dans quelques semaines la guérison d'Antoine, 5 ans déjà... pour Stanislas, ce sera l'année prochaine, c'est bien çà? Antoine est en 1ère S, a une petite copine, réfléchit à ce qu'il compte faire après le bac, et fait parfois preuve d'insolence comme tout ado qui se respecte: quel bonheur de le côtoyer en oubliant cette fichue maladie dont on parle désormais au passé.
Aude
Ohh, je suis contente pour Antoine. C'est merveilleux de le savoir devant nous sur ce chemin. D'ici 15 mois, ce devrait être au tour de Stanislas.
SupprimerMerci à vous tou (te) s de m'accompagner sur ce chemin.
RépondreSupprimerMerci pour vos petits mots déposés ici ou envoyés sur ma boite mail.
Je pense pouvoir écrire un billet tous les 15 jours. Le prochain paraîtra le 29 avril
vivement la guerrison! je trouve ça bien de raconter un petit episode tous les 15 jours! plus ça serait intenable! tu écris bien
RépondreSupprimerJe vous comprends j'ai été cadre de santé durant 9 ans IGR en pédiatrie, Mais quel beau défi à la vie vous avez mené avec Stanislas
RépondreSupprimer