Les mains dans l'argile, toi, nous et la leucémie #16
A cette période-là, j’étais retournée travailler. Je ne
savais pas comment dire à mon employeur que j’étais enceinte. Raidie par la
volonté de ne pas craquer, emmurée dans ma douleur, je n’avais pas pris un
kilo.
Je m’arrêtais à l’hôpital avant d’aller travailler. Tu
dormais encore la plupart du temps. Je pédalais à toute allure pour être là
pour le déjeuner. Je repassais le soir.
Tu ne mangeais pas.
Moi non plus. Des nausées nous secouaient.
Je rentrais après le
diner dans notre appartement silencieux. Et je regardais les heures défiler sur
le réveil jusqu’à 5 heures. Je démarrais alors une nouvelle journée.
Certains soirs, tout s’éclairait, Mélanie nous rejoignait à
l’hôpital. On riait. Elle, si grande, s’asseyait sur les petites chaises de la
salle de jeu. Et puis elle me ramenait à la maison, dinait avec moi, restait
jusqu’à ce que je m’assoupisse et reprenait alors la voiture pour parcourir les
120kms qui la séparait de chez elle.
Les jours où je n’allais pas travailler, je venais à
l’hôpital à pied. Je sortais de l’immeuble, tournais à gauche, traversais la
rue, longeais la maison abandonnée. Je tournais à droite pour prendre le chemin
du tennis et pour éviter l’école maternelle du bout de la rue. Un enfant
souriant me faisait fondre en larmes. De l’autre côté du tennis, j’arrivais à
la place Monplaisir.
Quelle ironie de penser que nous habitions à la station de
métro Sans souci et qu’il me fallait traverser Monplaisir pour arriver à
l’hôpital!
Je longeais les prépas médecine, le centre de recherche
contre le cancer et les entreprises de pompes funèbres avant d’arriver en vue
du centre régional anti cancer, je regardais les marronniers se couvrir de
feuilles.
Je revois les patients, en pyjama et en chaussons, décharnés
pour la plupart, poussant leur perche, certains portant leur poche à urine ou
leur estomac, assis dehors et fumant leur cigarette.
Je passe le poste de sécurité, le hall d’entrée et le comptoir d’accueil, la radio et les IRM. Au bout du couloir, les couleurs changent, j’arrive dans le service pédiatrique. Je laisse l’hôpital de jour, traverse le couloir vitré, passe devant la cantine, gravis un étage et pénètre dans le secteur protégé.
Je pousse la porte et je te retrouve, mon enfant chéri.
Je passe le poste de sécurité, le hall d’entrée et le comptoir d’accueil, la radio et les IRM. Au bout du couloir, les couleurs changent, j’arrive dans le service pédiatrique. Je laisse l’hôpital de jour, traverse le couloir vitré, passe devant la cantine, gravis un étage et pénètre dans le secteur protégé.
Je pousse la porte et je te retrouve, mon enfant chéri.
Toujours de belles délicatesses dans tes phrases malgré la profondeur de tes mots qui me font réfléchir et relativiser . Envie insoupçonnable de continuer à te lire à travers ces mots . bravo et belle fierté emmêlée de courage qui a fait de toi et de ta famille , les personnes que vous êtes .
RépondreSupprimerte lire.. toujours aussi touchant et délicat ...
RépondreSupprimermerci :)
Toujours aussi poignant, merveilleusement bien écrit sans jamais tomber dans le pathos ,avez-vous pensé à faire éditer votre histoire? Cela pourrait aider des parents qui traversent cette épreuve.
RépondreSupprimerJ'ai acheté Happiness, c'est un magazine plein de douceur, je vais l'envoyer à ma fille qui vit à l'étranger.
Je vous embrasse très fort.
j'y pense...mais il faut d'abord que je finisse et cela me prend plus de temps et d'énergie que prévu!
SupprimerJe suis heureuse qu'Happinez vous ait plu ; j'ai eu un vrai coup de coeur!
♥
RépondreSupprimeren te lisant, on a l'impression de marcher avec toi ...
RépondreSupprimerEt Mélanie, c'est une fée ?