Les mains dans l'argile : toi, nous et la leucémie # 35

En 2011, nous avons appris qu’avant de passer certaines chimiothérapies, on te réservait un lit en réanimation. Pour le cas où.
En 2011, il fallait, à chaque admission, plusieurs heures pour trouver une veine assez solide et te poser un cathéter.
En 2011, nous avons compté les semaines où tu n’étais pas en aplasie complète, c’est-à-dire sans aucun système immunitaire.

Début février, tu étais à l’hôpital avec Papa. Je suis venue déjeuner avec vous, comme tous les jours. Des flocons énormes et immaculés flottaient et s’amassaient lentement.
Un grand silence s’était abattu sur la ville. Sur l’hôpital aussi.
Personne n’ouvrait la bouche. Dans un souffle et sous couvert du secret, parce que les mauvaises nouvelles n’ont pas droit de séjour dans ce service, nous avons appris le décès de Jean.
Les mots sont dérisoires quand le pire arrive.
Nous avons pensé à ceux qui restaient, brisés, et à son enterrement, probablement sous la neige. Nous avons apprécié la paix que la mort représentait pour son corps à bout de forces. Nos cœurs se sont alourdis.

Le temps de sortir de l’hôpital, tu réalisais ton rêve de monter dans une dameuse. L’association avait organisé ton transfert jusqu’à la station, un après-midi de conduite et une nuit à l’hôtel. Les photos parlent d’elles-mêmes : tu étais excité, ému, heureux d’être à la montagne, de faire connaissance avec cette grosse machine.

Le temps de regagner Lyon, ta température atteignait les 39° et tu réintégrais directement ta chambre d’hôpital. Les semaines qui ont suivi, les yeux plein d’étoiles, tu as vu et revu sans cesse les quelques films consacrés aux dameuses trouvés sur youtube.

Commentaires

  1. Alors enceinte, trop bouleversée, je n'avais pas pu poursuivre la lecture de tes articles au-delà des premiers billets.
    Ce matin, j'avais le cœur assez serein pour m'y plonger. Je ne suis plus enceinte, mais c'en est toujours bouleversant. J'ai sangloté lorsque tu parles des premières heures, des premiers jours. J'ai pleuré à l'évocation de la naissance de ton deuxième fils. Je me suis dit le concernant que la réponse aux besoins le temps nécessaire permet d'apaiser les angoisses, de réparer ce qui a été blessé ; c'est en tout cas ma croyance. Je me suis dit que je comprenais ta culpabilité, mais qu'en effet tu n'as pas de responsabilité. J'ai retenu mes larmes à chaque histoire des autres enfants malades. Je me suis demandée comment je me comporterai si cela arrivait à des proches. J'ai regardé mes enfants. J'ai eu le ventre retourné à m'imaginer à quel point ce que vous avez vécu est terrible. J'ai trouvé que tu écris très bien ; que ce que l'on voit par ailleurs de toi véhicule beaucoup d'espoir.

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