Les mains dans l'argile : toi, nous et la leucémie # 7
C’était un dimanche. Je savais qu’il faudrait encore une
fois que je m’arrache à vous, que je quitte cette chambre pour regagner notre
appartement, qu’il faudrait que j’affronte la nuit. Qu’il faudrait que je me
lève, que je m’habille et que j’aille travailler. Qu’il faudrait que je dise la
criticité de ton état et que je m’organise.
J’ai envoyé un mail à la DRH dont je dépendais. Les mots
s’emmêlaient dans ma tête, c’était comme si l’écrire, le dire à de tierces
personnes rendait les choses réelles, définitives même.
Nous avons appris,
samedi 13 mars, que Stanislas avait une leucémie aigue.
Son traitement a
commencé dimanche 14 mars après transfusion et sans attendre les résultats des
analyses.
Nous nous préparons,
dans le meilleur des cas, à des mois de lutte.
Isabelle
Quand j’ai été sure qu’il ne se passerait plus rien ce
soir-là, j’ai quitté l’hôpital et je suis rentrée à pied. J’ai appelé ton
oncle, Guigou et ma voix s’est brisée. J’ai pensé à mon autre frère qui devait
s’envoler quelques jours plus tard pour le Japon et me suis demandée si je
devais le laisser partir dans une bienheureuse ignorance.
J’ai poussé la porte et j’ai haï violemment cet endroit, où
tout me ramenait à toi. J’ai eu envie de faire un grand feu et de contempler
notre vie partir en fumée.
Au lieu de le cela, j’ai appelé mon amie Mélanie. Elle était
à Paris, au restaurant. Très loin, très doucement, elle a trouvé les mots qui
apaisent et j’ai pu me glisser dans le sommeil.
Le lendemain, à l’aube, j’ai enfourché mon vélo et dans le
vent qui fouettait mon visage, j’ai pleuré.
Quand mon chef est arrivé, en quelques mots, je lui ai
expliqué la situation et je suis repartie, avant que les autres salariés
n’arrivent.
La journée s’annonçait sans fin entre les divers rendez-vous
qu’il nous fallait honorer : anesthésie, équipe médicale encore,
assistante sociale.
Je serrais dans ma main un de mes colliers que tu voulais
porter. Un petit pendentif en forme d’étoiles. Et quand je l’ai passé autour de
ton cou, j’ai espéré que quelqu’un, là-haut, veille sur toi.
Pendant cinquante jours, chaque jour allait se réveler pire que
le précédent.
Comme trouver les mots devient difficile... Après notre lecture, mais surtout dans ces moments-là. Il y a les mots, les pensées, les présences, les silences aussi...et la confiance, la foi en Quelqu'un, qui peut aider beaucoup.
RépondreSupprimerJe pense à vous.
Belle soirée et bonne semaine.