Les mains dans l'argile : toi, nous et la leucémie #46
Les ultimes examens approchent.
Myma est venue vivre avec
nous, partager l’angoissante attente des résultats. Elle est venue, chargée de
petits présents et d’authentique espoir, d’avions miniatures bruyants et de
crayons variés.
Popa et Moma sont pendus au téléphone, depuis le Japon où
ils séjournent.
Papa se charge d’un premier jour d’examen.
Je me charge du second, échographies et scanners.
Toi et moi sommes assis sur le lit d’examen.
Nous attendons
le radiologue quand j’entends un bruit étrange, une sorte de vrombissement
étouffé.
Tu me demandes si nos jeux ont cassé la machine. Nous nous
tenons cois, bien ennuyés. Quand on nous laisse partir, tous les examens
pratiqués, je soulève mon sac et le bruit cesse. On pose mon sac à nouveau, le
bruit recommence, se faufile à travers le rabat. C’est ton avion, ton avion
miniature qui met les gaz et cherche à fuir.
On nous avait annoncé des résultats sous 24 heures.
Les 24
heures s’écoulent, visqueuses, collantes, sans fin, sans qu’aucune nouvelle ne
mette fin à cette attente.
Papa et moi nous consultons, nous nous enfermons dans notre
chambre. Je préfère que ce soit Papa qui appelle. Demander les résultats est
trop dur pour moi. Affronter les quelques secondes de silence avant l’annonce
du résultat me terrifie.
Papa appelle : les résultats ne seront disponibles que
le lendemain. Nous supputons, émettons des hypothèses. Notre expérience nous
souffle que toute attente supplémentaire est suspecte.
Nous nous composons un visage aussi joyeux que
possible et sortons de la chambre.
Il faut attendre, nous disons à Myma.
Il faut attendre, nous écrivons à Popa et Moma.
Le lendemain, la même scène se reproduit. Cette fois-ci, n’y
tenant plus, Papa et moi annonçons que nous nous rendons à l’hôpital pour, au
moins, obtenir une explication sur ce retard.
C’est un vendredi et nous ne voulons pas affronter les
affres d’un week end sans certitudes.
A ce stade-là, ce qui nous importe est de savoir.
Bonne ou
mauvaise, nous affronterons la nouvelle.
Nous partons, main dans la main, l’un soutenant l’autre.
A mi-chemin, le téléphone vibre. C’est le numéro de
l’hôpital. Papa décroche. C’est la stagiaire du service
« c’est bon
« dit-elle
Qu’est ce qui est bon,
demandons-nous
Les résultats sont
bons.
Et elle raccroche. Nous sommes silencieux. Une colère froide
nous dévore.
26 mois de cauchemar se terminent, sans autre formalisme.
Comment peuvent ils être si déshumanisés... bonne ou mauvaise nouvelle, ne savent-ils pas que des parents, des familles, des patients attendent les résultats avec une terreur chevillée au corps? Je suis heureuse pour vous que les résultats soient bons.J'aurais préféré que cette annonce soit faite avec des paillettes et des feux d'artifice :-) mais j'espère que cela vous permettra de souffler et de passer une fin d'année un peu apaisée.
RépondreSupprimerLes larmes me piquent le coin des yeux à chaque fois que je lis votre histoire, même si je sais qu'elle finit bien. Parce que derrière l'happy end, il y a eu tant de souffrance que c'est à peine dicible. Et pourtant tu réussis à mettre les mots, délicatement, mais avec ténacité. Je vous embrasse tous, avec les bras tout ronds...
RépondreSupprimerCe qui compte, en définitive c'est que ces 26 mois de cauchemar se terminent. La pauvre stagiaire, pas formée, pas forcément au courant de tout n'aurait pas du avoir la charge de vous en informer. Mais, tout de même, ce qui compte c'est ces jours heureux que vous pouvez vivre tous ensemble... Je souhaite que cela finisse sur un tel coup de fil pour tous mes amis confrontés à ces tragédies!
RépondreSupprimerJe me permets de t'embrasser et te souhaite une belle année 2016!
Chloé
2 mots...c'est bien peu pour clore ces 26 mois de souffrance ! mais le plus important est bien le contenu de ces 2 mots !
RépondreSupprimerComme ces mots soulignent l'immense décalage entre ceux qui vivent dans l'angoissante attente et tous les autres, au-dehors, comme si la communication et la compréhension devenaient impossibles, de chaque côté des barrières de la maladie...
RépondreSupprimerPour travailler avec des enfants atteints de cancers, il faut certes apprendre à se protéger pour ne pas se laisser ronger par les sentiments et émotions, mais je pense qu'il faut également être capable de se mettre à la place des patients et de leurs proches...
Mais comme les commentaires précédents, heureusement, je préfère ne garder que le positif, et c'est finalement le soulagement et le bonheur qui devait par la suite réussir à prendre, petit à petit, le dessus dans vos vies et vos esprits, lentement, après 26 mois, en osant de plus en plus y croire...
Merci infiniment pour ce texte si noir, si plein d'espoir...
Je vous souhaite une excellente fin d'année !
Merci!
RépondreSupprimer2016 sera, à ne pas douter, une belle année !
Vos mains dans l'argile sont toujours aussi prenantes ...
RépondreSupprimerdes bises
Tous mes voeux pour cette nouvelle année. j'ose espérer qu'après tant de froideur vous avez été reçus par l'équipe médicale qui vous a suivi pendant tous ces mois.
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