Les mains dans l'argile: toi, nous et la leucémie #45
Et puis vient le jour de la dernière injection de
chimiothérapie, vingt-cinq mois ou presque, après la première. 25 mois, soit la
moitié de ta vie.
Je suis rentrée ce vendredi-là, le cœur léger à l’idée de
partir en vacances. J’ai franchi le seuil et ton papa m’a dit:
Il ne s’est pas
réveillé aujourd’hui.
La terreur m’a aspiré. Je me suis agenouillée à ton chevet.
Nous avons appelé l’hôpital. Ton cœur battait doucement. Ils
nous ont recommandé la patience.
Gautier, Papa et moi avons regardé la nuit s’étendre. On
posait, délicatement, nos mains sur ta cage thoracique. Et on se repaissait de
son lent mouvement. On approchait nos oreilles de ta bouche et ton souffle nous
emplissait d’espoir.
Nous avons fini par croire que la nuit serait sans fin, que
le jour jamais ne se lèverait, que tu ne t’éveillerais plus.
Et puis, inéluctable, le jour est revenu. Tu as ouvert un
œil, puis deux, et tu as demandé pourquoi nous n’étions pas à la mer.
Nous sommes donc partis, le cœur en bandoulière et le
cerveau en alerte.
Tu titubais en proie à des nausées terrifiantes. Tu te
tordais et tu vomissais, violemment, sans répit. Tes os te lançaient.
Nous étions terrifiés. L’équipe soignante, par téléphone, a
lancé, nonchalante, « possible réaction de désintoxication de
son corps. Il est habitué à recevoir des doses de chimiothérapie chaque jour ».
Nous sommes allés, péniblement, jusqu’à la plage.
La nuit, allongée tout contre toi, mon cerveau développait
de terribles scenarii de rechute. J’exhortais, à voix basse, ton corps à
prendre le dessus, à gagner la bataille.
Cette semaine nous a laissé un goût amer.
Terrible...J'ai vu ma mère, 2 fois, lutter contre le sommeil de la maladie... et revenir à chaque fois. Mais cette terreur sourde, je la sens encore en moi quand je lis votre texte. Du courage, du soleil, de l'espoir, je vous en enverrai bien des camions entiers, si cela pouvait vous aider. J'espère que le temps effacera ce goût amer.
RépondreSupprimer25 mois, la moitié de ta vie... C’était si grave et la vie de tenait qu'à un fil (solide) !
RépondreSupprimerJ'ai prononcé ça aussi à un tout autre moment de la vie de Mademoiselle et j'avais pris cette année là le parti de jouer au loto tous les chiffres pourris : date à laquelle elle est tombée malade, nombre d'injection par jour, par mois, le pire chiffre des hypo de la semaine, le nombre de bleus dans son dos... ça a quelque chose de cynique à bien y réfléchir. Je ne suis jamais devenue millionnaire avec les chiffres du malheur mais j'ai appris à vivre avec et je suis devenue heureuse quand même.
toujours aussi touchant ... :)
RépondreSupprimerje ne me lasse pas de te lire !
Que t'écrire ? Si ce n'est que je continue chaque fois de te lire avec toujours plus d'émotion... et bien sûr, te remercier pour ce témoignage.
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