grandir librement - une jeunesse hors sol

Cela fait plusieurs années que nous accueillons à la maison des lycéens étrangers. Ils viennent pour étudier et nous rejoignent le soir ou juste le week-end pour apprendre le français. C'est un accueil gratuit juste pour le plaisir de découvrir le monde depuis la maison.


Nous avons choisi d'accueillir des garçons. Ils ont 17 ou 18 ans, sont issus de familles aisées à richissimes et viennent tous de très loin.
Nous avons accueilli un jeune Japonais, qui a lancé la vogue de l'origami à la maison, puis un Taïwanais, un jeune Indien et enfin un Russe. Nous avons eu des moments merveilleux comme des moments difficiles. Et nous avons du interrompre notre avant-dernier accueil tellement c'était pénible.
Nous n'avions pas envisagé reprendre un jeune cette année. Puis nous avons accepté de dépanner un week end, puis jusqu'à Noël et finalement jusqu'à fin juin!

Un élément commun à ces 4 jeunes ( et à nombre de leurs amis que nous avons rencontré), c'est qu'ils sont hors-sol.
Poussés loin de chez eux pour des raisons politiques ou par l'ambition de leurs familles, ils se retrouvent dés 15 ou 16 ans en internat à l'étranger, parmi d'autres jeunes internationaux, sachant qu'ils ne rentreront qu'une fois leurs études terminées et un premier boulot réussi. Parfois, ils ont même quitté leurs familles vers 10 ans pour rejoindre des internats d'élite.
Leurs seuls horizons sont l'excellence et le déracinement. Si leur sort est évidemment infiniment préférable à celui des réfugiés, ils n'en demeurent pas moins des enfants perdus, loin de leurs familles, de leurs pays et de leurs cercles amicaux. Des enfants qui se construisent tout seuls et qui se débrouillent tous les jours contre l'adversité et la compétition à outrance.
Les garçons que nous avons accueillis ( à part notre Japonais) étaient tous les aînés de leurs fratries. Ils devaient briller à l'école, intégrer les meilleures universités anglo-saxonnes et rentrer à la maison pour reprendre l'entreprise familiale et épouser celle que leurs parents auront choisi. Pas vraiment la place d'avoir une vocation personnelle, une jeunesse joyeuse, des aventures amoureuses ou juste le temps de grandir et de se construire.
On pourrait croire que vivant avec des camarades de 30 nationalités, ils acquièrent une ouverture sur le monde et une accoutumance à l'altérité. En réalité, la compétition fait rage et chacun efface ses particularismes nationaux pour préfigurer les dirigeants globaux qu'ils deviendront. Ainsi, loin de leurs familles, ils perdent langue et traditions.
J'avais demandé à A, notre jeune indien, de m'enseigner les rudiments de sa langue, ce qu'il a toujours refusé de faire arguant que celle-ci n'existait pas dans le monde des affaires internationales.

Cette année, nous avons la chance d'accueillir un garçon vraiment gentil et intéressant, un garçon qui essaie de survivre à la pression de l'excellence et à celle qu'il se met pour ne pas décevoir ses parents qui font de réels sacrifices pour lui permettre de faire des études à l'étranger.
Alors, nous lui offrons de la douceur en lui préparant de bons repas ( et des boites remplies de biscuits pour la semaine), du réconfort en prenant le temps le vendredi soir de débriefer de sa semaine avec lui, du temps (en prenant en charge une partie de ses contraintes logistiques). Cette semaine, je vais regarder pour lui des options d'études supérieures intéressantes et épanouissantes en France.

Et puis qui sait, il sera peut-être un jour Président de la Russie écolo et socialement engagé?



Commentaires

  1. Quel exemple d'une vie consentie et réfléchie vous leur proposez de découvrir ! Et surement de belles bouffées d'oxygène ! Ton témoignage est quand m^me assez horrifiant ! Les valeurs du monde éducatif sont vraiment loin d'être équivalentes, c'est assez angoissant quand on y réfléchit .

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    1. Je suis triste pour les jeunes que je rencontre. Ce qui me terrifie aussi c'est que cette jeunesse sera aux manettes du pouvoir dans leurs pays. Et comment croire qu'ils seront des dirigeants sages, ancrés dans le réel?

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  2. J'avoue que ton récit me met les larmes aux yeux pour ces jeunes. J'avais suivi les difficultés rencontrées avec le précédent qui ne voulait pas "échanger ni partager". Je suis contente que cette fois cela se passe mieux, et qu'un jeune a la possibilité d'avoir une bouffée d'air pur, d'être choyé, les we grâce à vous.

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    1. Je pense qu'il faut aussi avoir des attentes restreintes car un ado de 17 ans n'est pas toujours dans les meilleures dispositions ;-)

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  3. C'est dramatique pour ces enfants, ce poids qu'ils portent, cet arrachement à leur terre d'origine, à ce qui en temps normal nous crée, nous offre des racines.
    Heureusement il y a de belles actions comme le temps que vous leur consacrez, l'attention que vous leur portez. Une chance.
    Et une bel exemple qui leur permet aussi de voir autre chose, d'espérer peut-être autre chose

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  4. oui, déprimant le contexte qui les amène ici ... mais quelle joie ça doit être quand le jeune accepte de s'ouvrir et de prendre ce que vous offrez, quelle joie de se sentir utile !

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    1. Ce qui est inquiétant, c'est de penser qu'une fois adultes, ils auront le pouvoir politique/économique . Et je me demande compte-tenu de leurs parcours d'enfants et d'adolescents, quels adultes ils seront

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