courir le monde - être une femme en voyage, un corps de femme (3)

Pour ce troisième article, j'avais envie de parler de corps. Quand on passe 7 mois sous la tente avec 2 fils (dont un de 11 ans) et un mari, quand on utilise 7 mois des sanitaires communs, il y a toujours des moments inconfortables. Ce sont ces moments qui ont nourri ma réflexion.


*Le rapport aux corps
D'un lac thermal en Hongrie où il y avait des casiers pour les affaires mais ni vestiaire ni cabine pour se changer aux sanitaires tchèques ou slovaques où les sanitaires étaient par genre mais où les douches étaient en commun,
des plages du nord de l'Allemagne où un tiers des vacanciers étaient nus aux douches en plein air simplement entourées d'un rideau,
des piscines aux baigneuses aux bikinis  très échancrés et aux baigneurs dans des slips minuscules aux capitales où le short se porte plus haut que le pli de la fesse,
ce voyage a questionné le rapport à notre corps et notre rapport aux corps des autres.

A certains endroits, nous avons fait l'expérience de cultures plus libres où la nudité est vécue sans exhibition ni revendication, naturellement. A d'autres, nous avons mesuré combien le corps des femmes (et des jeunes hommes dans une moindre mesure) était "chosifié" et sexualisé.

Nous avons été scandalisés en lisant dans 2 de nos guides de voyage que "toutes les femmes d'Europe de l'Est portaient des tenues extrêmement moulantes et vulgaires mais que cela ne présage en rien de leur moralité" ( oui, oui, c'est parfaitement scandaleux : j'ai écrit à l'éditeur).

Je crois que notre inconfort dit autant sur l'éducation qu'on a en France (qu'on avait?) que sur les cultures locales. Est-ce que cela me gêne moi de devoir prendre ma douche en commun ? ou est-ce que cela les gêne eux de voir quelqu'un qui tique sur une douche commune?
Pendant 7 mois, nous avons essayé autant que possible de nous adapter sans jugement ni grognement aux pratiques locales.

*Les règles
Vivre sous la tente, utiliser des sanitaires communs, être toujours sur la route, rend la période des règles plus compliquée. Surtout quand on a choisi de partir avec une coupe menstruelle en silicone et des culottes de règles.
Le première chose que j'ai faite a été d'expliquer aux enfants ce que sont les règles, à quoi ca sert, comment ca marche. Leur dire que c'était naturel et que c'était bien, positif, puisque cela permet de faire des enfants. Ils ont posé des questions et se sont montrés intéressés. Et même compatissants en pensant aux filles de leurs classes et à l'inconfort des toilettes du collège. 

Un jour que je vidais ma coupe sous la douche (il y a en Europe très peu de toilettes avec des lave-mains ce qui l'opération parfois un peu difficile), j'ai été frappée par le sort de toutes les femmes qui vivent dans la rue, qui fuient leurs pays ou juste leurs maisons. J'ai pensé combien les règles augmentent encore la précarité, la vulnérabilité, l'humiliation de ne pas être propres.


Commentaires

  1. C'est très intéressant, ce que tu dis. J'imagine que ça dépend beaucoup de la pudeur qu'il y a dans la famille. Dans la mienne, il en a très peu, j'ai vu mes parents nus, enfant.
    Par exemple je suis surprise que tu n'aies expliqué les règles à tes enfants "que" maintenant. ça me semble très tard, mais bon, j'en sais rien, je suis pas une spécialiste. Je me rends compte que ça a l'air jugeant, c'est pas le but, d'autant que j'ai qu'une fille, très jeune qui plus est, et très peu de pudeur, donc je comprends bien que ça soit quelque-chose de délicat. A titre personnel, je trouve qu'il faudrait en finir avec le tabou des règles, et que pour ça, garçons comme filles devraient savoir ce qu'il en est. Pour autant, comment en parler à ses enfants? ça reste une grande question. *merci pour ces réflexions qui sont passionnantes, vraiment. Et encore une fois, pas de jugement, juste des questionnements.

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    1. Je pense aussi qu'il faut en finir avec le tabou des règles. Pour autant, n'ayant que des garçons, je n'avais jamais eu l'occasion d'en parler avec eux avant le temps long du voyage

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  2. Il est vrai que voyager nous offre de voir et vivre les choses sous un autre angle.
    Sur le sujet des règles, nous en discutions récemment avec des amies, qui n'avaient pas osé en parler avec leurs enfants. Alors qu'en effet c'est quelque chose de très naturel.
    Après avoir vu un reportage sur les femmes dans la rue, je me suis faite la même réflexion.

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    1. Quand tu n'as que des garçons, tu peux juste ne pas avoir l'occasion de parler des règles. C'est aussi pour cela que j'ai aimé voyager avec eux, parce que le temps long t'offre l'occasion de parler de 1000 sujets

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  3. effectivement, voyager dans les conditions qui étaient les vôtres met à nu, au sens propre du terme !! concernant l'âge auquel parler des règles aux enfants, chacun fait comme il veut et surtout peut (les tabous se transmettent parfois bien malgré nous) mais cela m'a fait songer à la remarque d'une collègue prof de SVT qui trouvait qu'en 6e il était fou qu'autant de garçons ignorent le phénomène - elle-même n'a que des filles, mine de rien cela change la donne je trouve ... De même, elle trouve fou qu'ils ne connaissent quasi rien à la contraception en 2de ... ben, ça m'a drôlement questionnée, car pour l'instant on n'en a effectivement jamais parlé à la maison (les 2 grands ont 15 et 16 ans), cela m'a fait réaliser à quel point c'était important et qu'il fallait remédier à cela !

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    1. Ce sont des sujets importants mais sur lesquels on peut se trouver un peu démunis (à l'image sans doute de l'information qu'on a eu, jeunes, qui était assez minimaliste et centrée sur le sida

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    2. Mon fils a 5 ans 1/2 et il a découvert un jour dans mon lit une tache de sang. Je lui ai alors expliqué les règles, le "nid" qui sort du corps de la femme si aucun bébé n'a commencé à y grandir, et ce tous les mois. Il a trouvé ça très normal, ça n'a pas du tout eu l'air de le surprendre ! Pas plus que de découvrir qu'on a des bactéries dans les intestins, par exemple.
      En fait, je crois que comme les jeunes enfants ont TOUT à découvrir, il y a tout le temps des découvertes et de la nouveauté dans leur vie, cette découverte-là (des règles) n'est pas plus incroyable qu'une autre. J’imagine que j'aurais été plus gênée de lui en parler plus tard, en fait !...

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  4. Francoallemande ici, vivant en Allemagne. Enfants, mes frères et moi, nous étions horrifiés lorsque le beau camping à Rügen s'avérrait être "FKK". 10 ans plus tard, j'avais alors 18 ans, aucun problème pour me changer au bord du lac devant tout le monde. Quand je regarde les autres, ce n'est jamais avec un oeuil de voyeur, alors pourquoi présumer que les autres me regarderaient comme leur "proie"? Il faut dire que j'ai grandi à Munich qui a plusieures zones nudistes dans les parcs de la ville. Je ne suis pas nudiste, mais je n'ai pas honte de ma nudité, de mon corps. Ce que pensent les autres ne regarde qu'eux-mêmes, ça n'a rien à voir avec moi. À 37 ans, j'ai tout naturellement allaité mes deux garçons en publique s'il n'était pas possible de trouver un coin tranquil, et quand le grand a trouvé une tache de sang dans mes draps, je lui ai éxpliqué que les femmes saignent une fois par mois, qu'il n'avait pas besoin de se faire de soucis. Les enfants me voient souvent nue parce que je ne supporte pas les pyj/chemises de nuit. Ils n'en pensent rien, Maman est une femme, voilà tout (il va de soi que je vais me couvrir dès qu'ils commenceront à trouver cela gênant). J'aime cette relation naturelle que l'on a avec son corps en Allemagne plus qu'en France, où l'on est quandmême bien couvertes de tabous. Mais c'est mon opinion personelle et tout le monde fait comme elle veut.

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    1. Merci pour ce long témoignage. J'apprécie beaucoup le naturel de la nudité en Allemagne

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  5. Intéressante réflexion... Autant je suis assez génée par la nudité et j'aurais du mal à être nue devant des inconnus, autant les règles ne me posent pas de souci. Avec deux filles à la maison j'ai abordé le sujet assez tôt et vu que le grand n'était à l'époque pas forcément très bien informé. La précarité, l'accès à des protections et des toilettes "propres" est un vrai sujet de société je trouve

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  6. Les enfants (8 et 10 ans aujourd'hui) m'ont souvent vue faire bouillir ma coupe menstruelle et ont donc posé la question rapidement. J'y ai répondu simplement, et je réponds aux questions au fur et à mesure qu'elles se présentent.
    C'est sans doute moins facile d'aborder le sujet avec les garçons?
    J'ai plus de mal avec la nudité. On reste pudiques, j'ai souvenir que la nudité de mes oncle et tante étant petite (en vacances chez eux vers 5 ans) me mettait très mal à l'aise.
    Je ne sais pas s'il s'agit là juste d'un sujet lié à l'éducation, ou d'une conséquence du rapport qu'on a avec son propre corps?

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