Ecouter, talent, déformation professionnelle ou malédiction?


Amaury et nos fils en rient gentiment. C'est mon compétence maitresse au boulot. Et parfois, cela se retourne contre moi.


En toutes circonstances, sans que j'ai besoin de poser des questions, les gens se mettent à me raconter leurs vies. Le plus souvent des choses bouleversantes, très intimes, des blessures anciennes, des amours ou des haines tues, des naissances, des morts, des traumatismes, des maladies, les raisons profondes d'un divorce, des histoires incroyables…
Dans les dernières semaines, quelqu'un qui me confie la souffrance qu'il vit au travail, quelqu'un qui me raconte sa conversion religieuse, quelqu'un m'expliquant son angoisse de la précarité et ses habitudes d'épargne, quelqu'un me parlant de sa maladie incurable et gardée secrète…

Je ne me l'explique pas.
Si ce n'est que je m'intéresse vraiment aux personnes, à l'étoffe dont ils sont faits, à ce qui fait leur épaisseur, leur humanité. Je ne juge pas ; j'écoute. Je m'émerveille des cent mille nuances de sentiments, des expériences de vie singulières. Je regarde ceux qui parlent ou plutôt je les couve du regard.
Je reformule ce qu'on me dit , je pousse les personnes à préciser leurs sentiments ou leurs pensées. Par mon attention, je crois que je leur donne la force de parler. Et je ne répète jamais, jamais, dans aucune circonstance, ce qu'on me raconte

C'est peut-être un don. Souvent, les gens repartent allégés, bouleversés. Ils me remercient. Des liens se nouent. Indéfectibles. Je ne dis rien. Il y a entre nous le trésor de la confiance donnée, de la confiance reçue.

Ce don est sollicité chaque jour dans le cadre de mes fonctions de DRH.  Une grande partie de mon temps de travail est consacrée aux entretiens, à l'accompagnement. Avec l'expérience et le recul, il s'est affiné. C'est peut-être une presque déformation professionnelle. Vous savez la fille qui transforme la discussion en entretien sur le parcours professionnel? ( c'est une blague, hein, je ne suis pas vraiment comme ça. En revanche, il est fréquent qu'on me demande des conseils en droit du travail me révélant par là diverses turpitudes).

Et parfois, c'est une malédiction. J'ai mis longtemps à comprendre ce qui me valait ces quelques haines subites et tenaces. Je fais l'hypothèse que certains se repentent de m'avoir trop confié, de m'avoir fait le dépositaire de leurs secrets. Cela m'attriste car je ne demande pas ces confidences. Je ne m'en sers pas. Je les garde juste.

Je me demande si je ne devrais pas faire de ce talent le socle d'une réorientation professionnelle, peut-être pour devenir coach ou médiateur...
( a oui, et ne vous faites pas d'idée, cela ne fonctionne pas sur les proches ;-))

Commentaires

  1. je rebondis sur ta dernière question et je dis : 100 fois oui ! tu tiens là quelque chose de "concret", si l'on peut dire, pour penser à un avenir professionnel différent. Tu as la chance d'avoir déjà plein de contacts (c'est du moins ce que tes récits laissent penser ici) et la maturité de vie, je pense profondément que tu as des chances solides de réussir en te dirigeant dans cette voie. On voit tellement de personnes autoproclamées coach en ci ou ça en se demandant bien d'où peuvent sortir leurs compétences dans ce domaine (et je ne dis pas qu'ils n'en ont pas, seulement il n'est pas évident de percevoir la source de ces compétences), alors que toi tu as vraiment un solide bagage.
    Et quant à la teneur du reste de ton texte : je me retrouve assez dans ce que tu dis, mais pour moi ça n'est pas réellement facile à vivre dans le sens où j'ai énormément de mal dans les interactions sociales qui ne vont pas à "l'essentiel" ; je suis à l'aise pour parler de l'intime, et tous ces thèmes que tu évoques, mais pas dans les conversations plus anodines du quotidien (j'ai plusieurs collègues qui m'ont dit après une expérience vécue ensemble -sortie scolaire partagée, par exemple- apprécier les dialogues avec moi mais qu'avant cette occasion, ils ne me connaissaient pas vraiment). Du coup, j'ai quelques amitiés très profondes, mais j'ai du mal à me lier autrement qu'en profondeur, et au quotidien, cela fait que je me sens plutôt seule. Parfois c'est difficile à vivre, d'autres fois je vois le côté positif de cela. C'est ainsi !!
    Bref, pour en finir avec mon cas, je reviens te souhaiter tout l'épanouissement que tu mérites dans la voie qui se dessine petit à petit pour toi !!

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  2. Mais bien sûr! C'est une très bonne idée. Coach ou quelque chose comme ça... Il faudrait que tu réussisses à être une oreille bienveillante pour toi même, car sinon j'imagine que c'est lourd, tout ça...

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  3. Le titre m'a particulièrement interpellée et ton article aussi ��

    J'aime écouter, j'aime offrir cette qualité d'écoute dont tu parles et je me sens ressourcée quand ce temps est reçu comme un cadeau. ☀️

    Il arrive aussi qu'après une journée de travail à prendre soin des autres (je suis kiné), j'ai moi aussi envie de m'exprimer. Prenons l'exemple de ma voisine qui vient alors me raconter les problèmes de sa fille souffrante, de son voisin qui gueule, de son mari qui est insensible etc... Et là je n'ai plus les moyens ! Je peste intérieurement pour avoir la paix sans oser agir (d'où la pseudo malédiction ��). Mais ce serait de considérer comme impuissant à changer les choses alors non !

    Et je me rend compte que j'ai du travail pour mettre fin à cette situation, pour ne pas me lacher la main tout en tenant compte de l'autre qui a tant besoin d'évacuer...

    La cnv est un précieux outil pour moi . Et cette écoute empathique assez rare est un moment que j'accorde aux personnes avant chaque séance de massage bien-être. Ça me permet de me connecter et de me rapprocher le plus possible du soin sur-mesure... Donc oui c'est un don que tu pourrais continuer à offrir professionnellement, quelle chance, quel luxe pour ceux qui te croiseront...

    Et pour finir, quand je rale au sujet de cette voisine auprès de mon chéri il me répond simplement "tu écoutes trop"�� Encore une fois, oui je suis responsable dans cette relation, je choisis de subir ce moment au lieu de lui accorder ce dont elle a besoin quand c'est bon pour moi !

    Merci pour tous ces partages très enrichissants !

    Chaleureusement,

    Tiphanie (@quandlechatnestpasla)

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