Toutes nos vies - d'autres mots que les miens
Comme beaucoup d'entre vous, je m'interroge sur la possible conciliation de toutes nos vies, de tous nos temps. Il y a quelques jours, je suis tombée sur cette chronique. Je me suis reconnue sur certains points, me suis interrogée sur d'autres (et notamment sur la rédaction du dernier paragraphe) :
"Les
3 femmes écrivains, elles, m'avaient donné rendez-vous chez elles.
Pendant que nous parlions de leurs livres, de la naissance de ceux-ci,
des rituels, de la discipline, l'une d'entre elles a terminé une
vaisselle, m'a fait un thé, une autre a rangé des jouets qui trainaient
dans le salon tout en surveillant l'heure de sortie de l'école. Cette
dernière m'a confié qu'elle se réveillait tous les jours à cinq heures
du matin pour pouvoir écrire. Deux de ces auteurs avaient " de jour" si
j'ose m'exprimer ainsi, des métiers très prenants.
J'avais
été marquée par ce choix de rendez-vous, peut-être inconscient de leur
part : le dehors pour les hommes et le dedans pour les femmes.[...] Je
regrette que dans cette émission je n'aie pas relevé ce qu'elles, les
femmes, me montraient : le morcellement cruel du temps, l’œil constant
sur les aiguilles de l'horloge, la liste des choses à faire qui déroule
dans la tête comme si nous avions en permanence un écran de veille sur
les détails, le quotidien, le "domestique" et au milieu de tout cela (
ou avec tout cela, en travers de tout cela, en dépit de tout cela),
l'écriture.
Quand
j'ai eu un enfant, je savais que j'aurais moins de temps mais je n'ai
pas éprouvé l'énergie de cet amour, de cette nouvelle responsabilité et
la place mentale que prendraient cette énergie et cette responsabilité.
J'ai passé des mois à chercher cet ancien moi, qui était plus concentré,
plus efficace. Je ne connaissais pas la gymnastique mentale entre gérer
l'annulation subite de la baby-sitter et le nœud qui bloque un roman à
la page 22. Je ne savais pas que ma vie ressemblerait à un
compartimentage avec des tranches plus ou moins épaisses selon les
périodes : femme, écrivain, mère, fille, compagne.
J'ai
souvent repensé à ces trois femmes puissantes que j'avais rencontrées
et à leurs œuvres écrites pendant et avec leurs enfants.
Je
me souviens d'avoir lu cette phrase de Stephen King ( 121 livres, une
femme, trois enfants) : " pour écrire, il faut fermer la porte". Si
seulement c'était si facile. Il n'y a pas si longtemps je discutais
agréablement avec un écrivain qui voyage beaucoup et qui a trois enfants
encore petits. Quand je lui ai demandé comment se passait son
compartimentage à lui, il m'a répondu, un peu sèchement, que c'était du
domaine privé mais qu'il avait beaucoup de chance. " Beaucoup de
chance", c'est, je crois, une façon moderne de dire " j'ai une épouse
formidable"."
Chronique de Natacha Appanah, La Croix du 18 mai 2017
Qu'en pense ton mari 😄 ?
RépondreSupprimer