Ma poubelle & moi # 19: la complexe question des contenants alimentaires

Interpeller un certain nombre d'acteurs sur le pratique d'emballage ou de recyclage faisait partie de mes bonnes résolutions 2016. Autant être honnête, la plupart des marques ne réponde pas...


Mais il arrive parfois de tomber sur des marques qui répondent, qui expliquent, qui détaillent...
Merci beaucoup à la société Arcadie ( épices bio Cook, tisanes bio l'Herbier français) et particulièrement à Jonathan Gillies, de m'avoir expliqué pourquoi les flacons des excellentes épices bio Cook sont en plastique :


"L’emballage est un problème très complexe. Il doit répondre à des exigences qui sont parfois contradictoires :

–          il doit protéger le produit, 
–          il doit être neutre pour le produit, 
–          il doit être transportable aisément,
–          il doit être facilement recyclable,
–          il ne doit pas coûter cher…
–          il ne peut pas être « consigné »
Ce qui répond le mieux aux deux premières exigences c’est le pot en terre cuite sans émail, ou le petit coffre en bois… Inconcevable dans la situation d’Arcadie. Nous avons fabriqué l’année dernière 3 013 782 flacons d’épices 100ml.
 Alors il faut faire un compromis !



Le verre paraît plus neutre pour le produit. Nous avons utilisé le verre pendant de nombreuses années et nous l’avons abandonné pour des questions écologiques. En effet : 
- Le PET a un bien meilleur bilan carbone que le verre. La cuisson du verre se fait à 1500 ° contre 800° pour le PET.
- Le verre pèse lourd , il nécessite pour son transport des quantités de pétrole 4 à 5 fois plus importantes que le plastique, et dans la majeure partie des cas il n’est pas recyclé (nos flacons sont trop petits). Quand il est recyclé, son recyclage coûte une fortune en transport, en nettoyage, en cuisson.
- L’utilisation du verre entraîne une grande pénibilité du travail en production (un flacon de verre pèse autour de 100g contre 5g pour le plastique), des risques en manipulation (une palette de flacons pèse près d’une tonne), des risques alimentaires liés aux débris de verre qui peuvent tomber dans le produit et demande des machines supplémentaires pour s’en garantir (retournement de flacons avant remplissage)



        Le plastique, tant décrié à notre époque, n’a pas que des inconvénients
- Il est léger, transparent, recyclable ou incinérable comme le bois (c’est un « carbone »), peu coûteux (lorsque nous sommes passés du verre au PET, nous avons baissé nos tarifs tout en augmentant la quantité par flacon. Il faudrait faire l’inverse si nous repassions au verre…
- Les éléments incriminés au sujet des plastiques sont les phtalates et le Bisphénol A. Le PET n’en contient pas. Ces éléments nocifs sont par contre présents dans le PVC souple, les canules plastiques utilisées en médecine ou en soins dentaires, et aussi dans les cafetières électriques.
- Les études concernant le PET donnent des résultats contradictoires. Il fait partie des plastiques les plus inertes. Au démarrage de la gamme, Arcadie a fait réaliser des mesures de migration sur les principaux solvants qui n’ont révélé aucun résidu.



Les produits conditionnés par Arcadie sont consommés en faible quantité (par rapport à de l’eau en bouteille par exemple qui fait l’objet de toutes les recherches) et beaucoup sont solides (et non liquides) avec une faible surface de contact avec le contenant. Avant de supprimer le plastique pour les épices, encore une fois consommées en si faibles quantités que les polluants qui pourraient être absorbés par le consommateur le seraient en quantités pour ainsi dire négligeables, il faudrait logiquement vérifier que l’on a éliminé les autres usages du plastique, susceptibles de relargages de polluants en quantités largement supérieures : biberons, et vaisselle plastique, tuperware ou assimilés, eaux en bouteille, barquettes de glace et de viande, briques de lait ou de jus de fruits, boîtes de conserves métal (l’aluminium intérieur est enduit de plastique), verres à dents, produits cosmétiques, shampoing, plastique fin que l’on utilise pour conserver au frais les aliments, filtre permanent plastique des cafetières électriques, plastiques « micro-ondables »… que beaucoup utilisent quotidiennement sans y penser !


Nous écartons d’emblée l’aluminium (pas écologique), le bois et la terre (pas pratiques au niveau industriel), le papier (trop poreux pour les épices)



L’usage du PET est un compromis. Il vaudrait mieux acheter ses épices en vrac. Encore que nous ayons exigé de recevoir les épices en sacs de polyéthylène pour éviter le jute et les produits insecticides qui vont avec (DDT, Lindane). À l’heure actuelle, le PET nous paraît le meilleur compromis pour nos emballages.


Cependant nous restons en veille sur ce dossier, dans l’attente de précisions qui pourraient nous amener à changer nos conditionnements. Pour le moment nous n’avons rien trouvé qui soit une réelle solution, plus satisfaisante sur le plan écologique. Et nous comprenons l’inquiétude de nos clients. Mais à nos yeux, le verre n’est pas la solution. Nous sommes toujours en pleine réflexion sur un projet d’Écocoception pour lequel nous nous faisons accompagner par des spécialistes en la matière. L’idée d’un pot réutilisable a bien entendu été évoquée et nous travaillons sur le sujet.


Voilà ce que nous pouvons dire à l'heure actuelle."



J'ai beaucoup  apprécié la démarche pédagogique d'Arcadie et le fait qu'ils m'autorisent à publier leur réponse.
J'aurais aimé qu'ils creusent un peu plus la question du recyclage et zéro déchet.

Cette discussion m'a remis les idées en place sur la complexité des emballages alimentaires et a nuancé l'appréciation un peu idéalisée que je me faisais du verre. 


Commentaires

  1. Merci pour toutes ces explications qui m'ont appris que le verre n'était pas forcément aussi écologique que je le pensais.

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    1. J'essaie de ré-utiliser mes contenants plastiques ou verre le plus possible pour ne pas en racheter quand je prends du vrac. Mais j'ai du mal à laisser tomber le plastique complètement et je le recycle.

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  2. Bonnes remarques pour le verre tout ca, je n'avais jamais non plus rßefléchi aux problématiques "en amont"....

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  3. Très intéressant ce retour sur l'impact écologique du verre versus le plastique. Cela rejoin le choix de l'entreprise de cosmétiques dans laquelle je travaille de passer aux emballages plastiques. Comme quoi le sujet des emballages est extrêmement complexe, mal seule chose de sur est que le meilleur emballage est celui dont on reussi à se passer!

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  4. Je trouve ça génial qu'ils prennent le temps de répondre et d'argumenter, tout en montrant qu'ils ont vraiment réfléchi aux autres pistes.

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  5. Merci de ces informations
    effectivement souvent on ne voit les problèmes que d 'un coté il est plus difficilee d'avoir une vision globale

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    1. Merci pour toutes ces informations.
      Une seule remarque: je ne comprends pas pourquoi l'entreprise refuse la consigne.
      En Belgique les canettes de bière en verre sont consignées.
      Au marché de Vendôme en France un éleveur, qui vend ses produits laitiers sur le marché, fonctionne avec la consigne pour les bouteilles de lait, les pots de yaourt et de crème fraîche. Il est vrai qu'il s'agit d'une vente en circuit court.

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  7. Article très intéressant, encore une fois, merci ! J'achetais ces épices et je m'étais posé la question du plastique. J'aime le fait qu'ils aient mené cette réflexion.
    Le recyclage du verre est très coûteux en énergie, en eau, il est vrai... et nécessite de toutes façons des transports. C'est pourquoi je me demande pourquoi la consigne n'existe presque plus en France (sauf pour les bars et restaurants, qui rendent dans les caisses de livraisons les bouteilles de verre vide), alors que la consigne est la règle dans de nombreux pays (je rapportais mes bouteilles de verre contre quelques centimes en Allemagne, au Québec, au Chili...) car bien plus écologique...

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  8. Merci beaucoup d'avoir partagé ce texte avec nous. Cela donne en effet un éclairage intéressant sur la question, qui montre que tout ceci est plus complexe qu'on peut le croire au premier abord. Et il est bon également de voir que des entreprises se posent ce genre de questions, et comment elles y répondent.

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  9. Merci pour ce partage en effet ! J'aime aussi la réponse faite qui démontre une vraie recherche de leur part !

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  10. J'ai trouvé cet article particulièrement intéressant et je vois d'un autre œil les emballages plastique. Concernant les commentaires sur la consigne, je dirais qu'en France nous avons également une sorte de consigne. Il me semble que la plupart des villes ont une ou plusieurs bornes (je ne sais pas comment les nommer) où on peut déposer ces bouteilles et bocaux vides. Evidemment, il faut se déplacer jusqu'à la borne et il n'y a aucune contrepartie financière.
    Concernant la réutilisation des bouteilles en verre, nous avons posé la question à notre petit producteur de pommes local qui vend du jus maison. Il nous a expliqué qu'il ne récupérait pas les bouteilles car cela lui coutait plus cher de les laver et les stériliser que de les acheter neuves.

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  11. Merci Isabelle pour cet article, il set très rare en effet que les personnes un peu portées sur l'environnement aient une vision réaliste des emballages.
    Etant moi-même ingénieur en emballage et conditionnement (si si ça existe!) je ne peux que t'assurer que les cahiers des charges relatifs au choix d'un emballage sont extrêmement complexes, et d'autant plus que les emballages sont utilisés en conditions industrielles.
    A tous les argumentaires liés à la bonne conservation des produits, leur traçabilité, leur transport, leur sécurité (je ne suis que très raisonnablement adepte du vrac!) s'ajoute aussi l'argument du gaspillage: en effet l'empreinte énergétique d'un emballage étant très inférieure à celle d'un produit alimentaire, il est souvent beaucoup plus intéressant d'un point de vue global d'utiliser un peu d'emballage pour éviter de gaspiller du produit.
    Le problème principal est surtout que l'emballage se voie, et que sa fin de vie est partiellement traitée par le consommateur, d'où l'assimilation très forte à un déchet. Surtout en France! Ailleurs la communication envers les consommateurs est souvent moins orientée (par exemple en Belgique tout simplement). Par contre un déchet qui ne se voit pas est moins perçu comme un déchet (l'emballage est assimilé à un déchet. L'essence non! combien un français moyen met-il d'essence dans sa voiture chaque année... et combien d'emballages cela représente-t'il à votre avis? Penser à raisonner en poids et non en volume...)
    Bref, il arrive que dans certaines occasions il y ait trop d'emballages, mais il faut se souvenir que l'industriel paie une première fois l'emballage à l'achat, et qu'il paie ensuite une "contribution" à éco-emballages (le logo rond avec deux flèches à l'intérieur, qui ne veut aucunement dire recyclable ou recyclé....). En emballage, quand on parle d'éco-conception, c'est bien parce qu'écologie rime avec économies!
    Quant à la consigne, elle n'est souvent intéressante que sur des périmètres géographiques restreints et pour des emballages identiques. Un projet se met en place en Bretagne!
    Blandine

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