Les mains dans l'argile : toi, nous et la leucémie # 27

 Tu es dans une phase d’hospitalisation à domicile et la maison ressemble à une annexe de l’hôpital. Dans le frigidaire, il y a des seringues de chimio prêtes à être injectées. Dans ta chambre, une grande poubelle jaune scellé marquée d’une tête de mort «  attention, déchets hospitaliers » et des poches de liquides variés. L’odeur des médicaments et des désinfectants a infiltré toutes les pièces, s’est faufilé dans nos penderies et dans le garde-manger.
Gautier ne dort toujours pas et pleure jour et nuit.
Nous ne faisons plus la différence entre le jour et la nuit. Papa partage la chambre de Gautier et le berce des heures durant.  Je partage ton lit et compte les minutes qui me séparent du jour. A heure fixe, tu vomis. Même lorsque  tu n’as rien mangé, tu vomis, violemment.  Sans même ouvrir les yeux, je te tends le haricot. Il n’est pas rare que nous sombrions dans le sommeil à l’heure où l’infirmière passe. Nous laissons la porte entrouverte et elle traverse l’appartement sens dessus dessous, témoin de la grande bataille de la nuit.

En septembre, nous sommes sur le pied de guerre. Tu as 3 ans et tu pèses 11 kilos. Le spectre de la dénutrition plane sur toi, aggravant ta faiblesse. La diététicienne nous tient de longs discours.
Alors on essaie d’oublier et on institue de longues promenades autour de chez Popa et Moma. Jour après jour, nous sortons, un enfant sanglé sur le ventre, un enfant dans la poussette, Popa et Moma prêts à tout pour te distraire. Nous marchons des heures durant dans le soleil vibrant de l’automne. Le temps n’a plus cours.
Un jour de septembre, alors que nous marchons dans le village voisin, tu blanchis, tu bleuis, tu te mets à claquer des dents, tu ne réponds plus à nos questions et tu fermes les yeux, emporté par une force irrésistible. Tes yeux se révulsent.
Nous courons des kilomètres, portés par la terreur.  Faut-il appeler le samu ? Est-ce une faiblesse physique , une simple péripétie, ou est-ce le moment fatal où tout dérape ?

D’une petite voix, tu demandes «  à quoi ça sert d’aller à l’hôpital si on ne guérit pas ? ».

Commentaires

  1. Des jours et des jours que je te lis stupéfaite, admirative, inquiète, horrifiée par ces épreuves que vous avez traversées. Je n'ose pas intervenir, me demandant ce que je peux en dire, qui je suis pour dire quelque chose....
    Mais cette petite voix qui vous questionne m'a tellement 'impressionnée, et me touche au plus profond de mon être de maman...
    Je vous embrasse tous les quatre. Continuez à prendre grand soin de vous.

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  2. je suis exactement dans le même état d'esprit qu'Emmanuelle. Sans voix, touchée au plus profond de mon coeur , moi aussi maman d'un p'tit gars qui va très bientôt avoir 3 ans ... je t'envoie toutes les ondes positives que je peux ...

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  3. Pour vous 4 et toute cette force qui est en vous : ♥

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