Les mains dans l'argile : toi, nous et la leucémie # 43

Juste avant Noël, un soir que je pédalais pour rentrer de l’usine, mon colis de Noël arrimé au dos, la conscience brouillée par le manque de sommeil, la roue avant de mon vélo s’est coincée dans les rails du tramway. Et je suis tombée lourdement. Je sens encore le froid du sol et le choc qui brusquement me coupa la respiration.
Je suis rentrée à pied, mon bras contre moi. Hors de question pour moi d’aller aux urgences, tu es en aplasie complète et bien trop fragile pour résister aux éventuels microbes que je pourrais ramener.
Alors j’enveloppe mon poignet de glace et je prends des antalgiques.
Le regard du médecin le lundi me confirme ce que je savais, c’est une fracture.

Papa, Gautier et moi allez dans les montagnes. Myma vous y accueille.
Je reste travailler. L’esprit des fêtes de fin d’année plane dans les ateliers. Je prends les temps de discuter avec les ouvriers.
Avec Marc, notamment, qui s’inquiète beaucoup pour toi. Il est fatigué et gelé. Il est pâle et souffre de violents maux de tête.
Je lui recommande d’aller voir son médecin. On ne sait jamais, mieux vaut être rassuré avant la nouvelle année.
Le lendemain matin, mon téléphone sonne, c’est un numéro inconnu. Marc a une leucémie lymphoblastique, à un stade très avancé.
Son combat, celui de sa famille, seront les nôtres.
Je cours à son chevet, tu l’encourages à prendre ses médicaments. Je sollicite l’assistante sociale. Il faut s’occuper d’eux dès maintenant, surtout ne pas attendre.

Le soir qui suit votre départ, ton père m’appelle. Tu as de la fièvre, beaucoup de fièvre. Il vous faut redescendre immédiatement des montagnes, il te faut rejoindre immédiatement à l’hôpital.
Je prépare le sac. Nous sommes fin décembre et la nuit est noire, glaciale. Derrière les fenêtres brillamment éclairées, il y a des familles qui réveillonnent. Le brouillard enveloppe les bâtiments.
Il est presque minuit quand je pars à pied pour l’hôpital.
La voiture de Papa arrive, se gare doucement. A l’arrière, Myma vomit sans discontinuer. A l’avant, tu es d’une pâleur incandescente. Voila deux heures que tu ne réponds plus aux questions.
Alors, je te prends dans les bras. Je sonne à l’entrée des urgences.
Quand je passe au QG de sécurité, le vigile nous salue et d’emblée appelle le service pédiatrique
C’est encore Stanislas et sa maman.

L’année s’éteint pour nous dans une chambre de ce service dont nous connaissons chaque recoin. Que dire de la tristesse infinie de se trouver à l’hôpital en ces jours de fête ?

Commentaires

  1. Que dire, en effet ? Et la longueur de ce combat, la répétition sans fin de ces évènements terrorisant, c'est cela, surtout, qui me touche...

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